Par Ferdinand Mbonihankuye 

«Je peux cultiver tout au long de l’année, non seulement dans les marais, mais aussi sur les collines pendant la saison sèche grâce à l’irrigation d’eau souterraine. » déclare l’agriculteur Audace Ngendakumana, rencontré sur la colline Mukoro, dans la commune de Bugendana.

Les producteurs de légumes locaux comme Ngendakumana reçoivent désormais de l’eau pour l’irrigation à partir d’un forage installé dans leur communauté pour améliorer leurs conditions de vie. 

Changeur de jeu: le projet communautaire d’eaux souterraines qui transforme des vies

L’eau souterraine : Une bouée de sauvetage économique

A Bugendana, les bénéfices  d’irrigation par forage d’eau souterraine vont bien au-delà  de petits potagers. Autrefois limitées aux jardins potagers pendant la saison sèche, les exploitations agricoles se transforment en agriculture de marché grâce à l’irrigation par l’ eau souterraine. “Nous cultivons les tomates, les carottes, les pommes de terre et les courges pendant la saison sèche et les vendons. Les légumes sont très rentables. Et surtout pendant la saison sèche. Cela augmente nos revenus.” explique Elysé Ndereyimana, un cultivateur de la colline  Kamonyi zone Kiriba, commune de Giheta.

À Mukoro, en commune Bugendana, les agriculteurs cultivent des patates douces entre juin et septembre ou du maïs en saison sèche, ce qui était autrefois inimaginable. Ce n’est plus un champ, c’est une véritable source de prospérité, témoigne Audace Ngendakumana, en observant ses tomates qui atteignent le stade de la maturité.

Des jardins de légumes comme celui-ci sont possibles en raison de l’irrigation par les eaux souterraines L’irrigation permet non seulement aux agriculteurs de diversifier les cultures, mais aussi d’assurer le travail permanent tout au long de l’année. « Le travail ne manque plus, même en saison sèche. Les jeunes n’ont plus besoin de partir chercher du travail ailleurs. Nous cultivons toute l’année, ce qui nous permet d’avoir une stabilité, » affirme Berchmans Hakizimana, un responsable local. 

Selon Hakizimana l’irrigation est un levier essentiel de résilience et d’inclusion sociale: ” Elle réduit la dépendance aux précipitations, stabilise les rendements agricoles et améliore la sécurité alimentaire, même en saison sèche. Elle favorise également l’inclusion des groupes vulnérables, comme les femmes et les jeunes, tout en renforçant la solidarité communautaire et en réduisant les inégalités d’accès aux ressources agricoles. »

Une communauté prospère et florissante

À Mungwa, par exemple, un système alimente 1347 ménages, une école et une église, réduisant des trajets allant jusqu’à 5 km pour accéder à l’eau. « Ces infrastructures, intégrées dans un superbe paysage, permettent non seulement un accès plus facile à l’eau, mais aussi une économie sur les coûts exorbitants autrefois nécessaires pour acheter de l’eau transportée depuis d’autres localités », a conclu le chef de secteur de la ville de Gitega  Aristide Nzogirukwayo.

Audace Ngendakumana en témoigne : « Grâce à mes productions maraîchères, j’ai réalisé un bénéfice de 300 000 BIF (environ 103,12 USD) au cours des quatre mois de la saison estivale. »

L’impact dépasse les champs. Goreth Hakizimana, agricultrice de la colline Kamonyi, raconte : « Grâce à l’eau souterraine, j’économise mes 15 000 BIF (5,15 USD) que je dépensais par jour pour arroser les cultures. » 

En réduisant les distances d’accès à l’eau d’irrigation – 50 mètres au lieu de trois kilomètres – nous gagnons triplement en économisant du temps, de l’énergie et de l’argent. Cela nous permet de consacrer plus de temps à nos cultures, d’accroître leur productivité et d’améliorer nos revenus, nous explique Goreth.

Au-delà de la productivité, les familles en bénéficient aussi. « Je peux acheter des vêtements pour mes enfants et leur offrir une alimentation équilibrée », souligne Goreth. 

Un fermier inspectant son jardin. Avec un meilleur accès à l’eau, les femmes qui avaient l’habitude de passer beaucoup de temps à aller chercher de l’eau sont maintenant plus engagées dans l’agriculture.

Mettre en place un projet qui va changer une vie n’est pas une fin en soi. De nombreux projets ont du mal à survivre au-delà des premières années.

Pour assurer la durabilité, Amazi Water a mis en place des comités de gestion des points d’eau et a offert des formations en maintenance de base et bonnes pratiques d’hygiène, indique Clovis Nkunzimana, responsable régional Centre-Est de l’Amazi Water. 

Les eaux souterraines renforcent la résilience aux changements climatiques 

Selon la troisième communication sur les Changements climatiques, le Burundi relève une baisse de la production agricole au cours de la dernière décennie suite à une destruction totale ou partielle des champs. La sécheresse prolongée touche principalement les provinces comme Kirundo tandis que les excès pluviométriques provoquent les mêmes effets de destructions massives des cultures dans les plaines de l’Imbo ou dans les bas fonds des plateaux centraux du pays. 

Ces phénomènes climatiques ne se contentent pas de ravager les champs : ils aggravent aussi la dégradation des sols, menaçant ainsi la capacité des terres à se régénérer. En conséquence, l’insécurité alimentaire s’intensifie, affectant un nombre croissant de ménages, lit-on dans le rapport.

Néanmoins, le rapport technique de l’Initiative du Bassin du Nil montre que l’aquifère non confiné du bassin de la Kagera qui s’étend sur environ 6 300 km2 reste encore sous-utilisé. 

Cet aquifère couvre des parties du Burundi, du Rwanda, de la Tanzanie et de l’Ouganda. 

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                                                  L’étendue de l’aquifère de Kagera

Sa capacité de stockage est estimée à environ 50 milliards de m3. Or, le prélèvement actuel d’eau souterraine pour l’approvisionnement en eau domestique est estimé à 3,25 millions de m3/an. 

Dr Abel Nsabimana, géographe spécialisé en hydrologie et qualité d’eau souterraine indique que l’abondance des eaux souterraines dans le bassin de la kagera peut-être mise à profit non seulement dans l’approvisionnement en eau potable, mais aussi dans le secteur agricole.  

Les agriculteurs peuvent exploiter les eaux souterraines, sans crainte de tarissement, pour irriguer les cultures pendant la saison sèche et quand la sécheresse menace les cultures. Cela augmentera la production agricole et contribuera à contenir l’insécurité alimentaire.”explique-t-il 

L’expert souligne néanmoins que son exploitation nécessite des investissements considérables, tels que des forages profonds atteignant plusieurs centaines de mètres. 

Ce reportage a été réalisé avec le soutien du Secrétariat de l’IBN (Nil-Sec), qui en partenariat avec le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et avec le financement du Fonds pour l’environnement Mondial (FEM), a mis en oeuvre  un programme dans tout le bassin du Nil axé sur les aquifères souterrains partagés. L’objectif était d’améliorer la gestion des ressources en eau à l’échelle nationale et à l’échelle du bassin. 

 La première phase s’est concentrée sur le renforcement des connaissances et des capacités pour l’utilisation et la gestion durables des aquifères transfrontaliers importants du bassin du Nil. Trois zones aquifères ont été sélectionnées pour l’intervention: l’aquifère de kagera partagé par l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi; l’aquifère du mont Elgon partagé par l’Ouganda et le Kenya; et l’aquifère de Gedaref-Adigrat partagé par le Soudan et l’Ethiopie. Ces aquifères sont situés dans divers climats, notamment dans des régions arides et tropicales. 

Dans un premier temps, la phase consistait à recueillir les données existantes et à créer un rapport de diagnostic partagé des aquifères (SADA) pour les trois aquifères sélectionnés. La phase suivante consistait à modéliser les eaux souterraines pour améliorer la compréhension des aquifères et analyser des scénarios basés sur les changements du climat et de l’utilisation des eaux souterraines.

 

 

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