Parc National de la Kibira: Abattage des arbres par les riverains pour la cuisson
Au cœur de la cuisson des aliments au Burundi, le bois. Les bois de chauffage et les charbons de bois sont tantôt abattus dans les aires protégées, en l’occurrence la réserve naturelle de la Rusizi et le parc national de la Kibira, tantôt dans les plantations des particuliers. Une activité anthropique qui menace la biodiversité burundaise dans toute son entièreté.
Derrière ses deux enfants, portant les fagots de bois encore frais sur la tête, Patricie Nyabenda, agricultrice habitant à la colline Rwegura, en commune Muruta et province Kayanza, arpente à grand pas Kibira, la plus grande forêt du Burundi lorsqu’elle croise notre chemin ce 10 Août 2022.
Kibira est à cheval sur le bassin du Congo et du Nil au Nord-Ouest du Burundi. De loin, ce parc présente une image inattendue, verdoyante et foisonnante. Elle semble dense. A force de l’approcher, la réalité semble pourtant démontrer le contraire. Le parc est mis à rude épreuve: beaucoup d’espèces d’arbres ont été abattus. Par les chercheurs de bois de chauffage ou charbons de bois tantôt pour la cuisson ménagère tantôt pour le commerce et les chercheurs de bambous, dont les basangwabutaka, communauté dites autochtones, pour la construction.
Patricie Nyabenda indique qu’ils cherchent du bois de chauffage à Kibira, car ils n’ont pas à leurs dispositions d’autres lieux où les ramasser. De toute évidence, Kibira est un lieu où la communauté locale s’approvisionne en bois.
Le problème, c’est qu’ils coupent les bois à l’état frais, dénonce le chef du parc national de la Kibira Abel Nteziryayo. Les bois morts s’y sont raréfiés. Il y en a même qui abattent les arbres pour fabriquer les charbons de bois et les bambous pour la construction, a-t-il ajouté.
Kibira est souvent menacé pendant les heures hors services : «Vers le soir à partir de 18 heures jusque très tôt le matin entre 5 heures et 6 heures du matin, la communauté locale coupe les arbres qui servent du bois de chauffage et de fabrication du charbon et les bambous de construction . », nous révèle Elie, Chef des gardes-forestiers du secteur Rwegura.
Et si ce commerce lucratif était illégal ?
Pire encore, c’est qu’ils recueillent les bois de chauffage actuellement à Kibira pour des fins commerciales afin de subvenir aux besoins familiaux: « Un fagot de bois ne coûte que 5000 FBu. Or, une personne peut récolter deux fagots de bois de chauffage par jour, ce qui veut dire qu’il peut gagner aussi facilement 10 000FBu, soit environ 5 dollars américains. « , explique Elie, chef des gardes forestiers du secteur Rwegura.
Les autochtones, « les basangwabutaka », vivent surtout de la vente des bambous : « Ils coupent illégalement les bambous à Kibira qu’ils vendent aux constructeurs de maisons pour avoir de quoi mettre sous la dent », poursuit Elie, chef des gardes-forestiers du secteur Rwegura.
C’est un commerce lucratif, mais illégal. Le commerce du bois de chauffage et des bambous apporte un complément financier à la communauté riveraine de la Kibira.
Pour lutter contre ce trafic, les agents de l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE) effectuent des descentes sur terrain pendant les heures hors services pour traquer ces gens.
Toutefois, leur travail se limite à la saisie des biens exploités illégalement. Encore plus, la fréquence de ces descentes est très limitée, nous briefe le Chef des gardes-forestiers du secteur Rwegura.
« Pendant nos patrouilles, nous faisons parfois face à un nombre élevé de gens qui menacent le parc de la Kibira avec des armes blanches alors que nous surveillons le parc mains vides. Dans ce cas, nous ne faisons que nous résigner pour sauver notre peau. « déclare Elie Bigirimana, Chef des gardes-forestiers du secteur Rwegura.
Claude Ndaruzaniye, membre du comité mis en place à chaque colline riveraine du parc national de la kibira, pour aider les gardes-forestier, en cas de besoin, à le surveiller, fait savoir que les collines Rwegura, Ruharo, Ciro, Mpfunda et Remera menacent beaucoup ce parc en abattant les arbres dans le secteur forestier Rwegura .
A peine, 25 Km au Nord-ouest de la Capitale économique, Bujumbura, à Gihanga, nous sommes en province de Bubanza, l’une des commune frontalières avec la réserve naturelle de la Rusizi, nous nous sommes rencontrés avec les femmes et les enfants en nombre qui s’introduisent dans cette aire protégée portant à la main les machettes et les cordes pour lier les bois abattus, d’autres y quittent avec les fagots de bois sur la tête.
Chercher les bois de chauffage relève en familles rurales burundaises de la responsabilité des femmes et des enfants, dira Marie Mundanikure, habitant à la colline Ruharo, frontalière avec le parc. En témoigne d’ailleurs l’intrusion des riverains qui cherchent du bois dans la Réserve Naturelle de la Rusizi et le Parc national de la Kibira. Ce sont surtout les femmes et les enfants.
Chantal Irambona, l’agriculteur qui allait chercher les bois de chauffage à cette réserve très connue sous le sobriquet de « Rukoko », nom donné à la réserve de la Rusizi en faisant référence au faux palmier dit “Hyphaena benguellensis var ventricosa” explique pourquoi elle va recueillir les bois à Rukoko:
« Faute de moyens pour nous acheter d’autres sources d’énergie, nous ramassons souvent les bois de chauffage à Rukoko parce que nous faisons face au manque de bois pour faire la cuisson. Ce n’est pas bon pour l’environnement, mais nous n’avons pas d’autres choix »
Nduwimana Renate, elle aussi agricultrice, fait savoir qu’ils s’approvisionnent en bois de chauffages à Rukoko, car ils n’ont pas à leurs dispositions d’autres lieux où ramasser les bois de chauffage.
Même son de cloche pour Aline Dushime, agricultrice qui dit : “Nous sommes pauvres, à tel point que nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’utiliser le charbon de bois, encore moins le gaz pour faire la cuisson.»
« Il y en a d’ailleurs les agents de l’OBPE et de forces de l’ordre qui ont été récemment punis, parce qu’ils ont reçu de pots de vins et ont laissé la population commettre des crimes environnementaux dont laisser les gens abattre les arbres, faire la pêche et s’accaparer des terres cultivables dans ce parc. » dévoile l’administrateur de la Commune Gihanga.”
La pression démographique amplifie la déforestation
Par rapport à la pression démographique, origine de la déforestation qui ne cesse de s’accroître de jour en jour, Léopold Ndayisaba, administrateur de la Commune Gihanga constate que la déforestation de Rukoko est aggravée par les migrants, travailleurs saisonniers des champs rizicoles en provenance d’autres provinces, qui s’installent dans la commune Gihanga, à la quête d’emplois et qui causent par conséquent préjudice à la réserve. Ces travailleurs s’arrogent le droit de chercher du bois de chauffage dans la réserve.
Ce qui est plus étonnant, c’est que les agents de l’OBPE et de forces de l’ordre sont tantôt complices avec les gens qui commettent des crimes environnementaux dans cette réserve: « Il y en a d’ailleurs des agents de l’OBPE et de forces de l’ordre qui ont été récemment punis, parce qu’ils ont reçu de pots de vins et ont laissé la population commettre des crimes environnementaux dont laisser les gens abattre les arbres, faire la pêche et s’accaparer des terres cultivables dans ce parc. » dévoile l’administrateur de la Commune Gihanga.
Léopold Ndayisaba, administrateur de la Commune Gihanga recommande aux habitants de la Commune Gihanga de planter les arbres dans leurs champs afin de pallier le défi du manque de bois pour la cuisson.
En l’espace de huit ans, l’usage du bois de chauffage pour la cuisson au Burundi n’a cessé d’augmenter.
Selon le dernier rapport publié par l’Institut des Statistiques et d’Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU) en 2021, l’usage du bois de chauffage est passé de 6 086 610 en 2010 à 10 655 944 de tonnes de bois de chauffage en 2017, soit une hausse de 57,1%.
“Où trouverait-on les arbres que l’on couperait tous les jours pour fabriquer le charbon de bois si ce sont les arbres que tu as plantés? s’interroge François. Nous nous approvisionnons en bois de fabrication de charbon chez les particuliers. Toutefois, les arbres commencent à se raréfier. ” François Ndihokubwayo, grossiste et fournisseur du charbon de bois.
Dans les villes et chef-lieux des provinces, les burundais utilisent les charbons de bois pour faire la cuisson. Ndacayisaba Aline, habitant au quartier Nyakabiga en Mairie de Bujumbura et commerçant en est un des utilisateurs de cette source d’énergie pour la cuisson.
Pour elle, le charbon de bois est incontournable dans la cuisson des aliments, car elle est moins chère par rapport à d’autres sources d’énergies comme le gaz et l’électricité. Ces dernières excèdent son pouvoir d’achat. Sans parler des matériels connexes qui coûtent les yeux de la tête, ajoute Aline.
Nous nous sommes rendus au Centre Ville de Bujumbura pour se renseigner sur les prix des matériels du gaz et du gaz.
D’après Kevin Arakaza, commerçant des matériels électroniques, un kilogramme de gaz coûte 4500 FBu, soit 2,3 dollars américains.
Hélas, les matériels connexes coûtent énormément chers. Le matériel moyen que peut utiliser une famille coûte entre 150 000 et 300 000 Fbu, soit entre 75 dollars et 150 dollars américains.
En faisant face à cette cherté des prix de sources d’énergies susdites, les burundais se tournent vers le charbon de bois, moins chers. Néanmoins, les arbres se sont raréfiés dans les plantations des particuliers. Les fabricants du charbon de bois abattent les arbres dans les forêts et d’autres dans les plantations des particuliers. Cette pratique est très courante au Centre et au Sud du pays.
Patricie, habitant de la localité frontalière avec le parc de la Kibira témoigne qu’il y a ceux qui abattent les arbres dans ledit parc pour fabriquer du charbon de bois dans les marais.
Abel Nteziryayo, chef du parc de la Kibira avoue que l’abattage des arbres pour fabrication du charbon de bois à Kibira est une réalité. Et Elie, chef des gardes-forestiers de nous révéler:” Ils coupent les arbres dans le parc pour combustion du charbon de bois en catimini.” La fabrication du charbon de bois a lieu souvent dans les marais.
En outre, Abel n’a pas manqué de souligner que la recherche du bois de chauffage est très fréquente pour toute la limite du parc.
Pierre Ntahonkuriye, chef du secteur des garde-forestiers de la réserve naturelle de la Rusizi affirme que la communauté locale frontalière avec la réserve naturelle de la Rusizi abat les arbres à Rukoko pour fabriquer les charbons de bois.
Le problème, c’est que la population ne comprend pas l’importance de cette réserve et contribue beaucoup à sa destruction:”Ils voient en Rukoko les bois de chauffage, le charbon de bois et la pêche.” indique Pierre, chef de secteur des garde-forestiers de la réserve naturelle de la Rusizi.
Dans ce pays de l’Afrique centrale, 96,6% des burundais utilisent le bois pour faire la cuisson.
Ce qu’il faut savoir, c’est que le charbon de bois est consommé à 77% par la population urbaine, lit-on dans une étude publiée par la revue des sciences CIRAD publiée en 2016.
Cette étude révèle également que la capitale économique, Bujumbura et la capitale politique, Gitega, sont gourmandes en charbon de bois.
En 2014, alors que Gitega consommait 260 tonnes de charbon de bois hebdomadairement, Bujumbura dévorait 1 084 tonnes, soit quatre fois plus élevée que celle de Gitega. Ces deux villes consommaient 70 100 tonnes par an.
Dans les villes des chefs-lieux des provinces, la consommation de charbon de bois n’est pas très élevée. Elle tourne autour de 2 008 tonnes par semaine, note cette étude.
Par an, les deux grandes villes entraînent une coupe des arbres, pour la combustion du charbon de bois, d’une superficie de 3 505 à 4 673 hectares. La consommation de charbon de bois de toutes les villes des chefs-lieux des provinces entraînerait ainsi une coupe annuelle d’une superficie de 5 236 à 6 981 hectares.
Dans ces deux grandes villes burundaises, les prix du charbon de bois ont connu une très forte hausse, ces deux dernières années.
Tandis qu’à Gitega, au centre du pays, au petit marché de Magarama, en commune et province Gitega, un sac moyen de Charbon de bois coûte environ 18 000FBu, soit 9 dollars américains, arrivé à Bujumbura, les prix d’un même sac doublent. Il coûte 35 000FBu, soit environ 18 dollars américains. Il y a deux ans, ce même sac coûtait la moitié de cette somme, nous disent les vendeurs de charbon de bois.
Gitega: Petit marché du charbon de bois à Magarama: Détaillants
Selon François Ndihokubwayo, grossiste et fournisseur de charbon de bois au petit marché de Gitega, cette hausse de prix du charbon de bois s’explique par la diminution d’arbres dans les plantations des particuliers et la hausse des impôts et taxes communales. Il l’a expliqué en ces termes:
“Où trouverait-on les arbres que l’on couperait tous les jours si ce sont les arbres que tu as plantés? s’interroge François. Nous nous approvisionnons en arbres de fabrication de charbon de bois chez les particuliers. Toutefois, les arbres commencent à se raréfier.” explique François Ndihokubwayo, grossiste et fournisseur du charbon de bois.
En 11 ans, l’usage du charbon de bois a connu une forte hausse. Selon ISTEEBU, le recours au charbon de bois pour la cuisson est passé de 157 427 en 2010 à 2 900 000 de tonnes de charbon de bois en 2020, soit une hausse de 1842%.
A ce rythme, l’expert en environnement et professeur à l’Université du Burundi et à l’Ecole Normale Supérieure, Professeur Frédéric Bangirinama estime que le couvert forestier du Burundi qui tourne autour de 171 625 hectares, pourrait disparaître dans 25 à 33 ans.
Selon Global Forest Watch, alors qu’en 2002, la perte de couverture forestière tournait autour de 4 hectares, en 2021, la perte de couverture forestière oscille autour de 14 hectares.
Les aires protégées représentent 5,6% de la superficie du Burundi, indique le Directeur Général de l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement (OBPE) Berchmans Hatungimana. Or, l’approche en vogue, comme le raconte Berchmans, exige que les aires protégées doivent représenter 30% du territoire.
Pour atteindre la superficie des aires protégées avoisinant entre 10 et 15% de la superficie du territoire burundais, l’OBPE est dans la phase d’identification des collines qui peuvent faire partie des aires protégées.
Parmi les crimes environnementaux qui menacent le Parc national de la Kibira figurent le sciage, l’orpaillage, la recherche des fruits et des légumes, mais aussi la chasse.
La réserve naturelle de la Rusizi est, quant à elle, menacée de feux de brousse ainsi que la pêche illégale, comme le confirme l’administrateur de la Commune Gihanga, Léopold Ndayisaba. Lors de notre passage, la réserve naturelle de la Rusizi (Rukoko) venait d’être mise à feu.
Le Directeur de l’OBPE, Berchmans souligne que le code forestier est clair sur la coupe d’arbres : « Toute coupe d’arbre est subordonnée à la délivrance d’un permis de coupe, à l’exception des arbres des privés se trouvant sur une superficie de moins d’un demi-hectare ou des arbres situés dans un terrain clos attenant à une maison d’habitation ou à un bâtiment industriel, commercial ou administratif et le principe de qui coupe reboise. »
Les agents de l’OBPE facilitaient la déforestation des aires protégées moyennant le pot de vin. Mais, depuis l’instauration de cette mesure, force est de constater que nous avons coupé court à toute tentative de crime environnemental, observe-t-il.
Surveiller les forêts n’est pas une sinécure
Toutefois, la surveillance de ces forêts semble compliquée pour l’OBPE. Ce dernier fait face au manque du personnel.
Préserver la réserve naturelle de la Rusizi d’environ 30km de long et 6 km de large couvrant 6000 hectares n’est pas une sinécure pour 8 garde-forestiers : « ça exige dévouement, patience et persévérance », fait savoir Pierre Ntahonkuriye, chef du secteur des garde-forestiers.
Son visage cachant à peine sa fatigue, Pierre fait savoir que le premier défi auquel ils font face est le manque de moyens de déplacement pour surveiller la réserve naturelle de la Rusizi : « Nous la parcourons toute la journée à pied. Ce n’est pas si facile que vous le pensez de connaître l’état de santé quotidien de la réserve. »
L’insuffisance du personnel est présente à Kibira. Selon Abel, le parc national Kibira s’étend à 40 000 hectares. Pourtant, seules 64 gardes-forestiers la surveillent quotidiennement ».
En outre, ils font face à l’insuffisance du matériel de communication, car Kibira se trouve dans les hautes montagnes où la couverture des réseaux téléphoniques est indisponible. Le manque de carburant pour bien surveiller Kibira remue le couteau dans la plaie.
Selon le DG de l’OBPE, le personnel est insuffisant dans toutes les aires protégées burundaises pour assurer un contrôle efficace.
En attendant de pallier ce défi, le Ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage(MEAE) a signé une ordonnance ministérielle qui porte sur la gestion participative des aires protégées avec la communauté riveraine, poursuit le DG de l’OBPE.
Cette ordonnance insiste sur le rôle des communautés locales et les organisations non gouvernementales pour la protection de l’environnement.
Autour du Parc National de la kibira, un comité de 5 personnes sur chaque colline qui appuie les gardes-forestiers à surveiller ledit parc en cas de besoin a été mis en place. Ndaruzaniye Claude en fait partie
L’implication de la communauté locale a contribué à réduire les crimes environnementaux commis contre Kibira. La preuve en est que quatre saisons sèches, soit quatre ans, viennent de s’écouler sans qu’il se produise de feux de brousse à Kibira. Ce qui n’était pas le cas avant sa mise en place, fait savoir Claude Ndaruzaniye. A chaque saison sèche, Kibira connaissait les feux de brousse.
Pour y arriver, nous avons sensibilisé la communauté riveraine du parc à ne pas y aller avec l’allumette:”Tous les habitants en sont au courant et le respectent.”
Homme, destructeur et victime ?
De 2008 à 2021, la population burundaise est passée de 8 000 000 à 12 000 000, estime l’ISTEEBU. Le Directeur Général de l’OBPE indique que la pression démographique a un impact sur l’environnement : « Quand la population augmente, elle a tendance à chercher les bois de chauffage et les terres cultivables dans les aires protégées. »
En déboisant ces forêts, la conséquence est qu’il y aura des changements climatiques. S’il y a changement climatique, le premier à être victime, c’est l’homme, annonce le DG de l’OBPE.
« Apparemment, l’homme est le premier destructeur de l’environnement et en même temps le premier à subir les effets néfastes du changement climatique. », poursuit-il.
En réalité, la déforestation est à l’origine tantôt de l’irrégularité des pluies tantôt des pluies violentes, observe Berchmans.
La station météorologique de Bujumbura, proche de Gihanga, ne fait que confirmer les dires du DG de l’OBPE. En 10 ans, les précipitations ont évolué en dents de scie à cette station. Elles sont passées de 70,8 en 2010 à 39,6 mm en 2016 avant de remonter à 75,9mm en 2020.
Or, l’irrégularité ou l’intensité des pluies se répercute sur la production alimentaire. S’ils récoltent une production alimentaire insuffisante, il y aura sans nul doute l’insécurité alimentaire, remarque le DG de l’OBPE. Or, l’ISTEEBU montre que plus de 80% des burundais sont des producteurs.
L’impact de la déforestation sur les sols cultivables n’est plus à démontrer, dit le Directeur de l’OBPE. Dans les années 1980, nous n’avions pas besoin de mettre du fumier puisque le sol était protégé et la pluie abondante tombait en temps réel. Pour le moment, si on ne parvient pas à fumer le champ, on ne va rien récolter. Ceci est lié à la dégradation du sol et des forêts.
Quand il y a donc dégradation de la forêt, mêmes les moisissures, les petits animaux, les verres de terre qui nous aident à retravailler la terre périssent, fait savoir le DG de l’OBPE.
S’ils périssent, même si nous fertilisons nos champs, les verres de terre qui avaient une tâche importante pour retravailler le sol, à faire le mélange du fumier avec le sol, ils ne feront pas cette activité.
La Banque mondiale indique par ailleurs que le Burundi perd chaque année 38 millions de tonnes de terres à cause de l’érosion.
Pour le DG de l’OBPE, il faudrait trouver un moyen de concilier le développement et la protection de l’environnement.
La réserve naturelle de Rusizi est l’habitat de la faune mammalienne et est aussi riche en flore. En raison de la destruction de l’habitat de la faune par la communauté locale, Pierre, chef des gardes-forestiers du secteur Rukoko et Elie, Chef des gardes-forestiers du secteur Rwegura s’accordent à dire que la faune vit cachée : « Ce n’est pas facile de voir les animaux tout près »
Cette communauté détruit l’habitat des animaux en chassant également, ce qui fait peur aux animaux. Et Pierre d’ajouter : « Même lorsqu’une personne n’a pas de paix intérieure, elle vit cachée. »
Suite au ramassage de bois de chauffages et feux de brousse, les espèces endémiques sont abattues tantôt frais tantôt secs, ce qui est à l’origine de leurs disparitions:”il y a ceux qui brûlent les faux palmiers et utilisent les graines comme charbon de bois. En brûlant ces graines, ils empêchent les palmiers à se reproduire, ce qui contribue à leur disparition”
L’ancien Ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage Dr Déo Guide Rurema indique que la déforestation n’est pas sans impact sur les ressources en eaux : “Sur les 24.787 sources d’eaux que compte le Burundi, 2 508 sources d’eaux ont tari et et 4.418 (17,8%) sont en cours de tarissement suite à la dégradation de l’environnement et des changements climatiques.”
“Initier d’autres sources d’énergies, notamment l’utilisation du gaz pour faire la cuisson des aliments. Elle a très bien marché dans d’autres pays africains. Et elle pourrait être vulgarisée dans notre pays, le Burundi. Pour matérialiser cette solution, le gouvernement burundais devrait subventionner le secteur d’achat du gaz et du matériel connexe, suggère-t-il. Parce que le gaz et les matériels connexes coûtent cher : « Ce n’est pas à la portée de tous les burundais. »
Comment en finir avec la déforestation ?
Pour préserver les forêts de la déforestation et restaurer la biodiversité, Léonidas Niziyimpa, activiste et représentant légal de Conservation et Communauté de Changement (3C) propose cinq solutions :
En première ligne, planter plus d’arbres et en faire un suivi, c’est-à-dire, multiplier les arbres, les planter et les faire croître. Car les planter seulement est une chose et les faire croître en est une autre.
A en croire cet activiste, en plantant les arbres, nous restaurons les forêts, mais également, nous stabilisons nos terres et luttons contre le phénomène d’érosion, d’éboulement et d’écroulement des terrains qui font des ravages à l’heure actuelle.
Pour le compléter, Fréderic Bangirinama propose qu’il faudrait planter au moins les
5 984 ha perdus annuellement pour satisfaire la consommation de charbon de bois urbaine.
Citant Nduwamungu (2011), Fréderic rappelle que le Burundi ne dispose plus d’espace suffisant pour mettre en place des programmes de reboisement à grande échelle.
Néanmoins, cet expert propose de combiner les arbres aux cultures vivrières, de créer des plantations en ligne et de planter les arbres tout le long des axes routiers pour accroître le couvert forestier.
En deuxième ligne, initier d’autres sources d’énergies, notamment l’utilisation du gaz pour faire la cuisson des aliments. Elle a très bien marché dans d’autres pays africains. Et elle pourrait être vulgarisée dans notre pays, le Burundi.
Pour matérialiser cette solution, le gouvernement burundais devrait subventionner le secteur d’achat du gaz et du matériel connexe, suggère-t-il. Parce que le gaz et les matériels connexes coûtent cher : « Ce n’est pas à la portée de tous les burundais. »
En troisième ligne, utiliser de l’électricité. Ici, le gouvernement devrait y jouer également un rôle très important.
En quatrième ligne, faire le recyclage des déchets afin qu’ils soient des combustibles.
Beaucoup d’entrepreneurs burundais se sont lancés dans la transformation des déchets biodégradables en produits combustibles en l’occurrence Kaze Delphin avec sa start-up KAGE qui fabrique des biogaz à partir de rafle de maïs. A l’heure actuelle, cette entreprise a une capacité de production de 10 tonnes de charbon vert et 20 tonnes de briquettes par jour.
Pour Léonidas Nizigiyimpa, représentant légal de Conservation et Communauté de Changement (3C), ça n’est pas suffisant, mais ça soulage un peu.
En dernière ligne, créer des activités génératrices de revenus pour les populations riveraines des aires protégées.
Pour cet environnementaliste, l’une des causes de la coupe des arbres dans les aires protégées, c’est la recherche de la survie. Si on lutte contre la pauvreté en initiant le petit élevage par exemple de l’apiculture, l’aviculture etc. la population ne recourra plus aux ressources naturelles des aires protégées.
En collaboration avec ses partenaires notamment la Banque Mondiale, l’OBPE a initié des activités génératrices de revenus autour du parc national de la Kibira, Ruvubu et la réserve naturelle forestière de Bururi en vue d’intéresser la communauté locale, surtout les autochtones, à ne pas détruire l’environnement, relativise le Directeur Général de l’OBPE . En faisant ces activités, la communauté dite autochtone, « basangwabutaka, » perçoit 4000 FBu par jour, soit 2$ américains. Parmi les 4000 FBu, ils en épargnent 1500 FBu, détaille le Chef du parc National de la Kibira.
De cette épargne, certaines associations ont pu s’acheter des propriétés foncières et d’autres s’en achèteront pour bientôt, nous révèle Abel. Il faut noter que presque tous les “basangwabutaka” n’ont pas de lopins de terres où cultiver.
Avec cet appui, force est de constater que la pression sur ces forêts a diminué. Mais nous plaidons pour l’augmentation du personnel, conclut le DG de l’OBPE.
Ce reportage a été réalisé par Arthur Bizimana avec le soutien du Rainforest Journalism Fund en partenariat avec Pulitzer Center