Le niveau des lacs de retenue des centrales hydroélectriques baisse en raison des changements climatiques et des incursions agricoles. Ce qui diminue la production hydroélectrique du Burundi. Pour tenter de compenser cette baisse, la Régie de Production et de Distribution d’eau et d’électricité du Burundi (REGIDESO) recourt aux centrales thermiques, malgré leurs émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, le déficit énergétique demeure. Ainsi, les Burundais vivent au quotidien les délestages et les coupures électriques intempestives, ce qui ralentit le développement économique du pays.
Évacuateur de crues à sec, cailloux colonisés d’herbes rangés les uns après les autres et niveau du lac de retenue de la centrale hydroélectrique de Rwegura en régression… Le niveau du lac a même connu un dénivellement de la retenue de l’ordre de sept mètres en février 2024.
« Avant la régression du lac, les cailloux étaient invisibles. Personne ne savait la forme de l’entonnoir. Nous n’apercevions que ses bornes », confie Jonas, un vieux sexagénaire qui habite sur la colline Rwegura.
Alimenté principalement par les rivières Gitenge et Mwokora, le lac de retenue de Rwegura qui se trouve au Nord du pays à environ 110 Km de la capitale économique, Bujumbura, « s’emplit souvent en février et en avril », révèle Elie, habitant de Rwegura. Mais, cela n’a pas été le cas cette année.
En huit ans, Elie se remémore avoir vu le lac de retenue s’emplir jusqu’à se déverser dans l’entonnoir deux fois seulement, en 2016 et en 2022.
“Nous sommes étonnés de voir le lac Rwegura baisser de niveau même pendant la période de grande pluviométrie”, indique Édouard Nduwayo, habitant de Rwegura.
D’après Ir. Willy Ciza, Directeur des énergies renouvelables au ministère de l’hydraulique, de l’énergie et mines: “La centrale dotée d’un barrage produit de l’électricité selon le stockage de l’eau. Plus il y en a, plus elle en produit. Pour satisfaire la demande en électricité, l’on tire beaucoup de l’eau qui est stockée. Si on continue à utiliser le barrage Rwegura comme on le fait, le lac ne sera pas plein.”
Pour Willy Ciza, le lac baisse suite à la surexploitation de la centrale de Rwegura due à l’augmentation des consommateurs de l’électricité. Le rapport annuel publié en Mars 2023 par l’Institut National des Statistiques du Burundi (INSBU en sigle) lui donne raison. Il indique que le nombre de consommateurs de l’électricité est passé de 15 571 en 1995 à 163 373 en 2021.
Les baisses du niveau du lac Rwegura s’expliquent par l’activité anthropique et la sécheresse à en croire le professeur André Nduwimana, enseignant chercheur de la Faculté d’agronomie et de bioingénierie de l’Université du Burundi:
« Lorsqu’on regarde son régime hydrologique, le bassin versant de Rwegura est alimenté par les rivières Gitenge et Mwokora. Ces deux rivières sont alimentées par les eaux d’écoulement et les eaux d’infiltration. La plus grande partie des eaux qui alimente le bassin était les eaux d’infiltration. Le problème maintenant, selon une étude faite en 1995, c’est que quand on a déboisé et fait des plantations de thé, ces activités ont diminué énormément le phénomène d’infiltration. Maintenant, on a l’eau d’écoulement. Et quand il y a sécheresse, vous comprenez que cette eau qui part n’est pas compensée. Ainsi, le niveau et le volume d’eau du lac a diminué. »
La baisse des eaux du lac a conduit en 2017 à une production d’électricité de seulement 4 MW sur les 18 MW prévus au départ. « Vous comprenez que c’est une perte énorme pour le pays », regrette-t-il.
Pour le Pr Nduwimana, les incursions agricoles n’ont pas respecté la distance nécessaire par rapport à ce bassin de production électrique, « surtout qu’on est dans une réserve forestière ». Ici, il évoque le Parc national de la Kibira.
L’étude de vulnérabilité et d’adaptation aux changements climatiques conduit par Ir. Salvator Sunzu Ntigambirizwa, Expert Chargé de la Planification et Projets à l’Énergie des Grands Lacs (EGL) conclut que la surexploitation de la centrale de Rwegura, quand les autres centrales sont à l’arrêt, et le réchauffement climatique sont à l’origine de la baisse du niveau du lac Rwegura.
Il y a 16 ans, soit en 2008, la surexploitation de la centrale hydroélectrique de Rwegura combinée aux effets du réchauffement climatique ont mené à une baisse drastique de la retenue du barrage de Rwegura de l’ordre de 10 mètres « ce qui allait atteindre le niveau de la prise d’eau qui s’établit à 2140,50m et occasionner l’arrêt de la centrale », explique Ir. Salvator Sunzu Ntigambirizwa.
Tel que prédéfini par les constructeurs du barrage en 1986, le niveau du Lac de retenu devrait s’élever à 2152, 20 m.
Jusqu’à l’heure actuelle, la centrale de Rwegura demeure typiquement un aménagement de pointe d’une puissance de réserve de 6 MW, peut-on lire sur le site du Burundi Renewable Energy Association. Elle ne peut pas produire sa puissance maximale toute la journée qui s’élève à 18 MW.
Principale centrale hydroélectrique du Burundi, la production électrique de Rwegura a évolué en dent de scie. Selon le rapport annuaire de l’institut National de statistique du Burundi (INSBU en sigle), la production électrique de la centrale hydroélectrique de Rwegura est passée de 63 732 800 Kwh en 2012 à 35 241 000 Kwh en 2017 avant de rebondir à 73 929 590 Kwh en 2021.
Selon Ir Salvator Sunzu Ntigambirizwa, la production hydroélectrique annuelle a tendance à évoluer dans le même sens que les précipitations annuelles.
Envasement
La centrale hydroélectrique de Marangara, située à environ 200km de Bujumbura, dans province Ngozi au Nord du pays, est à l’arrêt, victime d’une très grande érosion hydrique.
En amont du barrage et de la rivière Ndurumu, les agriculteurs ont poussé les champs de manioc, les plantations de bananeraies, etc. En outre, ils ont coupé presque tous les arbres.
Le sol surplombant la rivière Ndurumu est devenu fragile.
Quand il pleut en abondance, l’érosion emporte des tonnes de terre, de pierres et d’arbres vers la vallée. Elle creuse au passage des sillons immenses. Et elle forme une montagne de boue et de pierres dans le lac de retenue.
Selon le Directeur des énergies renouvelables, les agriculteurs qui exploitaient autrefois les terres surplombant les barrages hydroélectriques ont reçu des indemnisations pour libérer cet espace. Cependant, ils se sont accaparés de nouveau ces terres quelques années plus tard.
Pendant les fortes précipitations, indique l’expert Salvator Sunzu Ntigambirizwa dans l’étude de vulnérabilité et d’adaptation aux changements climatiques , les cultures fragilisent le sol et favorisent l’augmentation des transports solides extrêmement importants.
« Ce phénomène est une conséquence directe de la déforestation se manifestant sur les collines », précise-t-il.
« Le dessableur élimine les déchets de l’eau dans le canal. De notre part, nous barrons les canaux où circule l’eau pour les nettoyer. Néanmoins, puisque les canaux restent ouverts, nous ne pouvons pas empêcher l’érosion d’y déposer les alluvions fertiles. Il arrive que les boues de terre se collent sur les turbines et perturbent leur fonctionnement voire les endommagent », nous confie un technicien du central qui a requis l’anonymat.
« Cela entraîne parfois l’arrêt total de la centrale », soutient même l’expert Salvator Sunzu Ntigambirizwa.
Il y a d’ailleurs environ trois mois où la centrale hydroélectrique n’est pas fonctionnelle, nous révèle, lors de notre passage à Marangara en avril 2024, le même fonctionnaire de la centrale de Marangara.
Les techniciens de REGIDESO sont venus récemment réparer les turbines. « Néanmoins, ils n’ont pas pu les remettre en état », ajoute-t-il.
Il n’existe pas encore une base de données sur l’évolution de l’envasement des centrales hydroélectriques. Toutefois, l’envasement annuel des barrages en service évolue de la même façon que l’évolution des précipitations et pourrait conduire à l’arrêt des centrales hydroélectriques à faible volume de retenue comme la centrale de Marangara et de Buhiga si des mesures appropriées ne sont pas prises à temps, avise l’expert Sunzu.
Pendant la saison sèche, environ un tiers de la surface du lac de retenue diminue suite à l’assèchement de la retenue, nous fait savoir notre informateur. Une partie du lac, auparavant remplie d’eau, est envahie par la végétation, poursuit-il.
Cette situation résulte de l’érosion des sols. Et cela entraîne donc une réduction de la production hydroélectrique, indique l’expert Salvator Sunzu Ntigambirizwa dans son étude.
Selon le rapport annuel de l’INSBU publié en Mars 2023, la production électrique de la centrale de Marangara est en berne. En l’espace de 10 ans, elle a plongé de 454, 7% entre 2012 et 2021, passant de 1 393 836 Kwh en 2012 à 306 480 Kwh en 2021.
A son inauguration en 1981, « Marangara alimentait en électricité nuit et jour trois communes dont Marangara, Ntega et Kirundo », nous confie Claver Siboniyo, habitant près de la centrale Marangara.
A l’heure actuelle, elle n’éclaire que Marangara quand elle est fonctionnelle. De surcroît, nous connaissons des coupures intempestives de courant électrique. « La centrale hydroélectrique de Rwegura a dû prendre le relais de Marangara dans les communes Kirundo et Ntega », précise-t-il.
L’inondation, cet autre défi
Proie aux inondations pendant la forte pluviosité, la centrale hydroélectrique de Ruvyironza, installée sur la rivière du même nom en province Gitega au centre du pays, a été mise hors service entre 2004 et 2007, date de sa réhabilitation.
Selon la Troisième Communication Nationale sur les Changements Climatiques, de graves inondations de la centrale hydroélectrique de Ruvyironza se sont également produites trois fois, respectivement en 2014, en 2016 et en 2018.
Les inondations du 18 avril dernier ont forcé la centrale hydroélectrique de Ruvyironza à cesser toute production, relève Avit Nibaruta, directeur de la REGIDESO de la région centre. « C’est la production électrique de 1,5 MW qui s’est évaporée brusquement ».
Selon INSBU, la production de Ruvyironza est instable. Elle croît et décroît selon que la pluie est suffisante et insuffisante. Elle est passée de 6 594 710 Kwh en 2012 à 8 237 200 Kwh en 2015 avant de revenir à 4 686 100 Kwh en 2021.
Le Plan National de Développement du Burundi (PND) 2018-2027 indique que sur un potentiel hydroélectrique évalué à 1700 MW, seuls 300 MW sont techniquement et économiquement exploitables.
La puissance électrique installée est actuellement proche de 50 MW dont 32,9 MW de production nationale d’origine hydraulique.
La consommation électrique au Burundi reste très faible. Elle est inférieure à 30 KWh/habitant/an – bien au-dessous de la moyenne africaine estimée à 150 kWh/habitant/an, lit-on dans le PND 2018-2027.
C’est également en raison d’un faible accès. La Banque mondiale montre que le taux d’accès à l’électricité du Burundi s’élève à 10,2% en 2021.
Jusqu’à l’heure actuelle, le déficit de l’électricité est une évidence. Il se manifeste par des délestages généralisés et systématiques.
Pour couvrir ses besoins en électricité, le Burundi importe l’énergie à partir des centrales hydroélectriques communautaires de Rusizi I et de Rusizi II – soit respectivement 4 MW et 8,3 MW.
Néanmoins, la sécheresse et le déficit pluviométrique ont conduit à une réduction respective de la production électrique des centrales hydroélectriques Ruzizi II et Ruzizi I de 32% et de 14%.
En compensant la baisse de l’hydroélectricité, les opérateurs de réseaux électriques, à l’instar de la REGIDESO et des particuliers, activent les centrales thermiques et les groupes électrogènes, alimentées par le carburant. Ces derniers génèrent une production électrique de plus de 35 MW.
Néanmoins, les centrales thermiques et les groupes électrogènes émettent davantage de gaz à effet de serre. Bien que le Burundi émette moins de 0,02 % des gaz à effet de serre (GES), le secteur de l’énergie fossile se taille la part du lion par rapport aux autres secteurs.
En 2005, il représentait 43%, puis 36% en 2010, avant d’atteindre un pic de 45% en 2015. De plus, l’offre en électricité, qu’elle provienne d’énergie renouvelable ou thermique, reste insuffisante.
Pour augmenter la production hydroélectrique, le Burundi est en train de construire des centrales hydroélectriques, « notamment le central régional Rusumo Falls et les centrales locales dont Kabu16, Jiji Murembwe et Ruzibazi », indique le directeur des énergies renouvelables.
Sous peu – dans environ 3 ans -, la puissance augmentera de plus de 80 MW. « Nous serons en mesure de la transporter et de la distribuer aux ménages et aux clients de la REGIDESO », poursuit Willy Ciza.
Transport électrique
Le transport électrique reste cependant confronté à plusieurs défis en milieu rural comme en milieu urbain. En tête des défis, le climat.
Les changements climatiques influencent également le transport de l’électricité à travers le pays. On rapporte l’écroulement des lignes électriques suite aux excès pluviométriques mêlés souvent de grêle et de tempêtes tropicales violentes.
A titre d’illustration, dans la nuit du 12 au 13 mars 2024, les pluies exceptionnelles mêlées de tempêtes très violentes ont fait chuter les pylônes transportant l’électricité au quartier Nyakabiga III, dans la commune Mukaza de la Mairie de Bujumbura à l’ouest du Burundi, à proximité de Campus Mutanga de l’université du Burundi.
« Nous avons entendu quelque chose tomber pendant la nuit. Ensuite, l’obscurité s’est installée. Nous n’avons réalisé qu’au matin que les pylônes s’étaient effondrés », conte Innocent ndayikengurukiye, un habitant de Nyakabiga III.
Trois jours après l’effondrement des pylônes, REGIDESO a enfin pu rétablir le réseau. Ni les enfants, ni les adultes n’ont pu retenir leurs cris de joie quand REGIDESO a de nouveau illuminé Nyakabiga.
Le Directeur des énergies renouvelables rapporte également que le barrage Ruzibazi est à l’arrêt suite à l’écroulement de la colline Gabaniro, en commune Muhuta, de la province Rumonge au sud-ouest du pays, qui soutenait les poteaux de transport électrique.
« La REGIDESO est à l’œuvre pour rétablir le réseau pour que nous puissions avoir les 15 MW provenant de ce barrage », commente-t-il.
En raison du changement climatique, de l’inadaptation du système de distribution qui est très petit et du vieillissement des câbles, les pertes techniques et commerciales de l’électricité varient entre 20 et 30%, estime le directeur des énergies renouvelables s’appuyant sur les rapports annuels.
Ir Salvator Sunzu Ntigambirizwa, quant à lui, pointe aussi du doigt l’insuffisance d’entretien et des diverses fraudes.
Pour distribuer en bonne et due forme l’électricité, nous apprend Willy Ciza, il faut remplacer les vieux câbles et les plus petits par de nouveaux câbles ayant une bonne section. La réhabilitation des équipements de distribution s’avère urgente, notamment dans la ville de Bujumbura et dans les autres villes qui ont beaucoup de clients.
Mr. Ciza interpelle d’ailleurs le secteur privé à investir dans la distribution d’électricité. A l’heure actuelle, quelques sociétés ont investi dans le transport d’électricité. Notamment la société Burunga Power. Elle est en train de mettre en œuvre un projet Maison Power pour distribuer cette énergie qui sera en circuit.
Coupures intempestives, facteurs de malentendus entre prestataires des services et clients?
Depuis le début de l’année 2024, les coupures intempestives sont fréquentes en milieu urbain comme en milieu rural. jour et nuit. Le poids des délestages généralisés et systématiques se fait sentir. Les opérateurs économiques en font les frais.
En congé forcé, assis sur le canapé devant son salon de coiffure, Goldien écoute la musique douce sur son téléphone à travers les écouteurs. Il attend avec impatience l’électricité en ce lundi 29 avril au quartier kajiji, zone kanyosha et commune Muha au sud la capitale économique Bujumbura, pour accueillir ses clients.
Ce coiffeur observe des coupures électriques intempestives et systématiques inhabituelles ces derniers temps : « il y a au moins 4 fois de coupure d’électricité par jour. On nous met en congé forcé à chaque jour. »
« Des suites de coupures du courant intempestives, nous encaissons des pertes non négligeables. Par contre, les propriétaires des maisons exigent qu’il n’y ait pas de retard de paiement des frais de loyer », fait savoir Goldien.
Au sortir de l’université en 2023, Ezéchiel et Aline ont investi dans le secrétariat public avec enthousiasme. Leur business marchait à peine quand les coupures électriques se sont immiscées dans leur projet commercial. « Nous pouvons passer toute la journée sans travailler suite aux coupures électriques. Si Dieu ne fait pas de miracles, nous sommes à deux points de fermer notre entreprise.» se lamente Aline.
Frais du loyer du secrétariat public et du logis oblige, Ezéchiel et Aline sont entre le marteau et l’enclume si rien n’est fait pour cesser les coupures électriques. A l’heure actuelle, ils joignent à peine les deux bouts à chaque mois. Le pire, c’est que ces coupures incessantes ont endommagé leurs appareils électroniques et qu’ils ne voient pas comment ils vont les remplacer.
Tenancier de pâtisserie, Evelyne vient de jeter plus de 100 litres de lait suite à sa dégradation due aux coupures intempestives du courant électrique. « C’est une perte énorme pour nous », réagit-elle avec amertume.
Au centre du pays, à Gitega, capitale politique, Cédric Hakizimana témoigne aussi de son désespoir : « Nous passons jusqu’à trois jours sans électricité. »
De nos jours, les activités des opérateurs économiques tournent au ralenti. Cela entraîne des malentendus entre les soudeurs et leurs clients. « Nous livrons tout le temps en retard les commandes de nos clients. Cela nous met en confrontation avec nos clients. Les clients, dont les commandes devraient être livrées, nous menacent d’exiger des remboursements. Ils pensent que c’est dû à notre volonté alors que c’est à cause du manque du courant électrique. »
Félicité Nicayenzi ajoute : « Nous avons du mal à faire fonctionner nos machines à moudre à cause du manque d’électricité, nos activités sont à l’arrêt. »
Pour continuer leur service à la clientèle, les secrétariats publics, les salons de coiffure, etc. allument alors les groupes électrogènes pour pallier aux coupures d’électricité. Toutefois, ils sont obligés de revoir à la hausse leurs prix. Alors que l’impression d’une page passe de 100 à 150 FBu, la coiffure passe de 2000 FBu à 3000 FBu, etc.
Appel à l’Action
Félicité ignore la cause des coupures fréquentes. Quant à Pierre Hakizimana, soudeur tout près du Marché central de Gitega, il implore les autorités de prendre des mesures immédiates pour atténuer la crise énergétique.
Face à ces lamentations, le Directeur Général de la REGIDESO, Ing. Major Albert Manigomba a déclaré en mars dernier aux micros de la Radio Bonesha Fm que les coupures électriques incessantes s’expliquent par les essais d’injection de la production électrique des barrages Rusumo Falls et Kabu16.
« On est en train de faire des essais des centrales Rusumo Falls et Kabu16. Ces essais impliquent la coupure de certains départs parce que nous devons réhabiliter nos équipements, faire la modernisation, mais aussi adapter nos équipements pour pouvoir recevoir cette énergie. »
Les différents essais des centrales s’étendent entre trois mois et une année. “Aujourd’hui, même à l’heure où je vous parle, on est en train de faire des essais de trois groupes de Rusumo Falls sur le réseau de la Tanzanie”, poursuit Manigomba.
Ces essais impliquent souvent la rupture ou le déséquilibre de notre réseau. Le Directeur de la REGIDESO tient à tranquilliser la population et fait la promesse qu’à la fin du mois d’avril, l’énergie en provenance de Rusumo Falls sera rétablie à 27 MW chaque jour. Jusqu’au mois de juin toutefois, les coupures électriques et les délestages s’observent encore à travers tout le pays.
Dans l’émission publique animée par les membres du gouvernement ce 28 Juin à Makamba au sud du Burundi, Ibrahim Uwizeye, ministre de l’hydraulique, de l’énergie et mines indique que les turbines de la centrale de Rusumo Falls sont tombées en panne. Les techniciens sont en train de les rétablir. Il promet que la première turbine sera fonctionnelle au début du mois de juillet.
Que faire pour protéger les barrages?
Pour relever le niveau d’eau du bassin de Rwegura, André Nduwimana propose une bonne gestion de l’eau de tout le bassin versant:
« Il faudrait mettre en place une zone tampon autour du bassin de retenue des eaux alimentant le barrage Rwegura pour permettre une meilleure infiltration pendant la saison de pluie. Quand on a une forte infiltration de l’eau pendant la saison de pluie, l’eau de la nappe phréatique va compenser l’évapotranspiration pendant la saison sèche. »
Pour le directeur des énergies renouvelables, on devrait construire des barrages qui stockent efficacement l’eau. Et Salvator Sunzu Ntigambirizwa de le compléter: « La REGIDESO devrait rechercher des moyens permettant aux barrages de stocker plus efficacement l’eau pendant les périodes de pluie afin qu’elle puisse être réservée pour une utilisation pendant les sécheresses. »
Avec le concours de l’administration locale et de la population à la base, REGIDESO et Agence Burundaise de l’Électrification Rural (ABER) « se devraient également d’interdire les cultures près des lacs de retenues et d’élargir les zones de protection autour du barrage et de la centrale comme ça s’est fait à la centrale hydroélectrique de Mugere, mais aussi de renforcer le mur de soutènement autour des centrales », recommande l’expert Ntigambirizwa.
« Il faut que les agriculteurs creusent des courbes de niveau afin de protéger les centrales hydroélectriques de l’érosion », conclut-il.
Pr André Nduwimana exhorte la REGIDESO de mettre en place une zone tampon et de la reboiser afin de permettre d’épurer l’eau de ruissellement. De surcroît, il recommande de laisser pousser les herbes fixatrices qui retiennent le sol : « Cela protégera de l’érosion les collines et par ricochet protègera les barrages ».
Quid des inondations? Pr Nduwimana trouve qu’il faut prélever une petite taxe sur l’eau et l’énergie consommées pour réhabiliter les infrastructures publiques victimes des changements climatiques, car l’insuffisance des moyens ne permet pas au niveau local de le faire.
Cette enquête a été réalisée par Arthur Bizimana et Ferdinand Mbonihankuye avec l’appui du Réseau des journalistes scientifiques d’Afrique francophone (RJSAF) dans le cadre de la bourse d’enquête de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques francophones.