A peine 7ans après s’être lancé dans l’élevage de poissons et après un bon lot de railleries et des actes nuisibles à leur projet de la part du voisinage, Cyriaque Ndayiragije et sa coopérative COPIMUCOPO emploie directement 40 personnes permanentes et 60 personnes saisonnières et produit plus de 6T par an. Le secret derrière chaque réussite est la persévérance et l’acharnement au travail. Reportage
Kizina, un matin au mois de Juillet, nous rencontrons l’éleveur de poissons Cyriaque Ndayiragije. Sauf que ce dernier nous embarque sans tarder dans ses étangs. Il est temps de nourrir ses poissons. En un seul jet de la pâture dans l’étang, les poissons font leurs apparitions en grande quantité sous l’eau. Pour la bonne et simple raison de se repaître.
Du haut de ses 32 ans, ses études ne le prédestinaient pas à l’élevage des poissons. Il avait fait ses études secondaires au Lycée Bubanza en Lettres modernes, ses études universitaires en économie à l’Université des Grands Lacs.
Fils d’un père de Bujumbura Rural et d’une mère de Bujumbura Mairie, la pêche ne lui était pas étrangère. Enfant, il assistait tous les samedis les pêcheurs du lac Tanganyika à la colline Mutumba en commune Kabezi à laquelle il a grandi.
Pourquoi l’élevage de poisson ?
A entendre Cyriaque, à part la passion, la motivation de se lancer dans l’élevage de poisson vient aussi du fait que depuis 2000 Jusqu’en Août 2013, date à laquelle il a terminé ses études secondaires et le chômage l’a attrapé, un Kg de ndagala est passé de 1 000Fbu à 15 000Fbu, soit 15 Fois de plus en l’espace de 13 ans. Donc, la production de poisson ne suivait pas le rythme de la croissance de la population burundaise.
A la fin de ses études secondaires en 2013, époque où pour Cyriaque gagner 100Ffbu relevait du parcours du combattant, il s’est associé avec d’autres six jeunes diplômés pour créer l’Association Jeunes Pisciculteurs (AJEPE en sigle) en 2014 qui a donné naissance à la Coopérative COPIMUCOPO en 2016. A cette époque, pour démarrer leur projet, en plus du terrain familial, ils ont acquis un terrain de 25 ares de la part de la commune Gihanga.
Au départ, la production était décevante à tel point que trois d’entre sept membres fondateurs de l’association s’en sont retirés. Nous avons récolté 200Kg de poissons toute l’année, dit-il. La compétition a fait office de travail en groupe : « chacun travaillait seul, mais en compétition. On mettait seulement ensemble la production. » Ce qui a accru la récolte. Une année plus tard, ils ont récolté 1T dans les mêmes étangs.
D’après les dires de Cyriaque, d’autres groupements de jeunes se sont intéressés à leur projet, ils voulaient les semences de poissons. Toutefois, COPIMUCOPO n’était pas en mesure de satisfaire leur demande.
En remportant le prix de PRODEFI d’une valeur de trois millions en 2016, ils l’ont utilisé pour multiplier les semences de poissons. En 2020, la production de la COPIMUCOPO s’élevait à 6T. Ils espèrent récolter plus de 10T en 2021. C’est au moment où dans les lacs, le rapport de l’ISTEEBU fait état de 19 509,1 tonnes en 2017 à 22 000 tonnes en 2020 de production de poisson.
Railleries et moqueries
Au début, Cyriaque et ses camarades étaient raillés par le voisinage sur leur projet. : « Quelle est l’importance de l’école si les diplômés reviennent s’investir dans notre secteur primaire. » leur lancent-ils. Cela ne nous décourageait pas, ajoute-t-il. Nous restions déterminés. Pour nous détourner de notre projet au vu de notre réussite, le même voisinage, qui nous stigmatisait au début, est allé jusqu’à empoisonner nos poissons dans leurs étangs.
A l’heure actuelle, le projet d’élevage de poisson emploie directement 40 personnes permanentes et 60 personnes saisonnières et plaide pour une pêche raisonnée dans le lac Tanganyika. Au moment des prises, Cyriaque n’hésite pas à distribuer gratuitement les poissons à ses voisins. Le chef de cette localité trouve que s’il y avait 5 Cyriaque en Commune Gihanga, le chômage n’aurait pas de mot à dire dans toute la commune. Une de ses employées interrogées répondant au nom de Béatrice s’est dite fière de travailler pour Cyriaque : « Elle touche comme tous ses employés le treizième mois et n’hésite pas à les aider dans leur projet personnel. » Cyriaque est un modèle même pour ses parents. Ses parents nous ont révélé avoir eux aussi à leur disposition d’étang depuis que Cyriaque s’est lancé dans cet entrepreneuriat.
L’ambition de COPIMUCOPO est de voir les burundais atteindre la consommation de poisson ordonné par l’organisation mondiale de la santé. Disons en passant qu’un burundais est encore loin des 11Kg que doit consommer par an selon l’OMS. Il est à 2Kg. Leur ambition est de produire plus et exporter les poissons Made in Burundi.
Persévérance, secret de la réussite ?
Après le lancement de son projet, Cyriaque est directeur gérant d’une société dit « Cycy Food for Fish Production et vice-président de YAIN. Il a bénéficié des formations locales et étrangères dans 7 différents pays en élevage de poissons.
Parmi ces formations figure la reproduction artificielle de poissons. Suite à ces formations, il a monté chez lui un micro entreprise de reproduction artificielle de poisson « Clarias » pour ne pas concurrencer sa coopérative qui élève le poisson dit « Tilapia ». Pour lui, le secret derrière cette réussite est la persévérance et l’acharnement au travail. Néanmoins, en 2020 un étang d’une valeur de plus de 20 millions s’est cassé en raison de la pluie torrentielle.
Au Burundi, il y a à peu près 12 millions de personnes. Ce qui correspond à 12 millions de bouches à nourrir, de l’aveu même de Cyriaque. Or, plus de 60% de la population sont jeunes. Il faut alors que les jeunes changent de mentalité, mettent à côté leurs études qu’elles soient secondaires ou universitaires et se lancent dans le secteur agricole, secteur qui regorge de nombreuses filières, ce qui veut dire nombreuses opportunités. Ce chômage à laquelle nous faisons face sera relevé le jour où nous produirons un excédent que nous exporterons l’une brute, l’autre transformée. La preuve, pour le moment que l’on ne peut pas manquer de marché, c’est qu’on peut passer six mois sans s’acheter des vêtements, mais difficile de passer la journée sans manger.