Des virus responsables du Mpox. Crédit image: NIAID (CC BY 2.0 )
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• Africa CDC alerte l’Union africaine alors que l’OMS veut déclarer une urgence sanitaire de portée internationale
• Depuis le début 2024, plus de 2 000 cas ont été confirmés, soit presque le double des cas obtenus en 2023
• L’épidémie qui a pour principal foyer la RDC se développe dans plusieurs autres pays du continent
Par: Brice Kinhou, Ferdinand Mbonihankuye et Julien Chongwang

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’exclut pas la possibilité de classer l’épidémie de Mpox (variole du singe) qui sévit actuellement en Afrique comme une urgence de santé publique de portée internationale au regard de la rapide expansion de la maladie sur le continent.

Selon un communiqué de presse du bureau régional de l’OMS pour l’Afrique publié le 8 août 2024, quinze pays africains sont actuellement touchés par cette épidémie, avec un total de 2 030 cas confirmés (contre plus de 14 000cas déclarés) et 13 décès depuis le début de l’année 2024. Beaucoup plus que les 1 145 cas et sept décès enregistrés au cours de l’ensemble de l’année 2023.

Aussi Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, lors d’un point de presse organisé le 7 août faisait-il savoir que « compte tenu de la propagation du virus Mpox en dehors de la RDC[1] et du risque de propagation internationale supplémentaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique, j’ai décidé de convoquer un Comité d’urgence en vertu du Règlement sanitaire international (RSI) pour m’indiquer si l’épidémie représente une urgence de santé publique de portée internationale. »

La nouvelle variante du clade I présente une transmissibilité accrue par rapport aux variantes précédentes. Des études ont révélé que le taux de reproduction de base de cette variante est plus élevé, ce qui indique une capacité de propagation plus rapide au sein de la population”

Jepsy Yango, INRB, RDC

Si tel est le cas, le directeur général devra, selon le RSI, publier en concertation avec les Etats concernés des recommandations temporaires ou permanentes qui peuvent être modifiées, annulées ou prorogées à tout moment en fonction de l’évolution de la situation.

Selon ce texte, lesdites recommandations « peuvent concerner les mesures sanitaires à mettre en œuvre par l’Etat Partie où survient l’urgence de santé publique de portée internationale, ou par d’autres Etats Parties, en ce qui concerne les personnes, bagages, cargaisons, conteneurs, moyens de transport, marchandises et/ou colis postaux pour prévenir ou réduire la propagation internationale de maladies et éviter toute entrave inutile au trafic international ».

De son côté Jean Kaseya, le directeur général des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) s’est entretenu le 8 août avec le chef de l’Etat mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, président en exercice de l’Union africaine pour faire part à ce dernier de l’évolution de cette épidémie sur le continent.
Selon le communiqué de presse publié par Africa CDC à l’issue de cet entretien, « le président Ghazouani s’est également engagé à convoquer une réunion spéciale des chefs d’État africains et des partenaires pour lutter contre l’épidémie et renforcer les systèmes de santé africains, afin de garantir leur résilience face à de tels défis ».

Approche intégrée

Sur le terrain, outre la RDC qui est actuellement le pays le plus touché , d’autres pays sont aux prises avec cette maladie. C’est le cas du Burundi et du de la République du Congo.
Dans l’après-midi du 25 juillet 2024, le ministère de la Santé du Burundi a officiellement déclaré ses premiers cas. « Après le communiqué du 18 juillet 2024 indiquant cinq cas suspects de Mpox, dont les résultats se sont révélés négatifs, trois personnes ont été testées positives en date du 22 juillet 2024 », déclarait alors Lydwine Baradahana, la ministre de la Santé, lors d’une conférence de presse.

Ces cas confirmés s’étaient manifestés à l’hôpital militaire de Kamenge, au Centre hospitalo-universitaire de Kamenge et dans le district sanitaire d’Isare, plus précisément à Tenga. SciDev.Net a appris que les trois patients reçoivent actuellement des soins et que leur état évolue « favorablement ». Par ailleurs, les individus ayant été en contact avec ces cas sont rigoureusement suivis et encadrés.

A l’occasion d’un autre point de presse le 6 août dernier, Lydwine Baradahana a affirmé que pour endiguer cette maladie, il est essentiel de travailler main dans la main avec différents départements, en particulier les ministères en charge de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage. Notamment dans le cadre d’une approche intégrée qui est « indispensable » pour couper la chaîne de transmission chez les humains et les animaux.

A l’en croire, le Burundi vient d’adopter un Plan national de riposte contre le Mpox, d’une valeur de 14 millions de dollars. « Ce plan, que nous utiliserons pendant six mois avec des mises à jour si nécessaire, repose sur sept piliers essentiels pour la lutte contre la maladie : la surveillance, la prise en charge, la communication, l’éducation de la population, le suivi des malades, le diagnostic en laboratoire et la coordination des efforts de riposte », explique-t-elle.

Un plan que le gouvernement burundais compte mettre en œuvre avec l’appui de ses partenaires au développement dans le secteur de la santé, notamment l’OMS, l’UNICEF, Médecins sans frontières (MSF), l’USAID, etc.
Depuis la déclaration de l’épidémie au Burundi le 25 juillet, 55 cas positifs ont déjà été enregistrés sur 200 alertes reçues, avec 187 échantillons analysés en laboratoire, dont environ 30 % se sont révélés positifs. En revanche, aucune information n’a encore été communiquée sur la souche du virus qui circule dans le pays.

Souche Clade I

Tout le contraire de la République du Congo où SciDev.Net a appris que c’est la souche « clade I » qui est en circulation. Selon Jepsy Yango, médecin chercheur en maladies infectieuses à l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) en RDC, « la nouvelle variante du clade I présente une transmissibilité accrue par rapport aux variantes précédentes. Des études ont révélé que le taux de reproduction de base de cette variante est plus élevé, ce qui indique une capacité de propagation plus rapide au sein de la population ».

Concernant la virulence, Jepsy Yango note que « cette variante semble avoir un taux de mortalité légèrement supérieur à celui des variantes antérieures, bien que cela puisse être influencé par des facteurs contextuels et l’accès aux soins de santé ».

Après l’annonce de 59 cas de cette maladie d’origine animale en avril 2024, les autorités congolaises sont à pied d’œuvre pour stopper la propagation de cette zoonose virale non seulement dans les départements de la Cuvette, de la Likouala, des plateaux et de Pointe-Noire qui ont déjà enregistré des cas, mais aussi dans les autres départements qui, jusqu’à présent, n’ont pas encore enregistré de cas. L’un des principaux leviers de cette lutte étant la sensibilisation.

Selon Victoire Kipampoudi Matondo, la directrice départementale des soins et services de santé de Pointe-Noire/Kouilou, la sensibilisation de la population par rapport à cette épidémie est multipliée sur les médias locaux en français et dans les deux principales langues locales que sont le Lingala et le Kituba.
Des relais communautaires aux districts sanitaires ainsi qu’aux hôpitaux de références, les agents de santé sont aussi outillés pour la détection précoce et la prise en charge des cas suspects, à en croire Michel Mankou, médecin chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Adolph Sicé de Pointe-Noire.

Même son de cloche du côté de Junior Prince de Roch Ngouissani, coordonnateur médical de l’ONG Médecin d’Afrique à Bétou dans le département de la Likouala au nord du pays : « Nous faisons de la surveillance épidémiologique au niveau des instances que nous animons et aussi à base communautaire. Nous avons des relais communautaires qui partent dans les villages pour sensibiliser les populations et détecter des cas suspects de Mpox pour une prise en charge immédiate ».

Viande de brousse

Une sensibilisation qui semble porter des fruits puisqu’elle affecte déjà les chiffres d’affaires des vendeurs de viande de brousse comme Alain Nzaba : « Depuis un moment, il y a la viande de certains gibiers que nous évitons de revendre parce que les clients n’en n’achètent plus. Par exemple, le rat géant, la chauves-souris, le porc-épic ou pire encore le singe. D’ailleurs, si on t’attrape avec le singe, c’est à la maison d’arrêt que tu vas te retrouver. Nos activités ne marchent plus ».

Lors des campagnes de sensibilisation, un accent particulier est mis sur les symptômes de la maladie, et en particulier sur le risque de cécité que courent les patients en cas de mauvais traitement de la Mpox. Question de persuader tous ceux qui traînent la maladie à se rendre à l’hôpital le plus tôt possible pour se faire traiter.
Pour Camille Besombes, chercheure en épidémiologie et santé publique à l’Institut Pasteur de Paris, « si on ne prend pas en considération d’autres facteurs qui favoriseraient la propagation du virus, on n’aura pas des réponses aux questions qui y sont liées ».*

« Le Mpox a été identifié depuis 1970 et au fil des années, le nombre de cas ne fait qu’augmenter. Qu’est-ce qui en serait la cause ? Peut-être parce qu’il y a la modification des environnements qui sont favorables aux rongeurs qui transmettent cette maladie », dit-elle.

« On sait par exemple que les rongeurs sont friands des fruits du palmier à huile et ils ont perdu également leurs prédateurs qui ont été tués par les humains, ce qui crée un déséquilibre écologique qui peut favoriser le MonkeyPox », ajoute Camille Besombes qui a contribué à une étude sur cette maladie aux côtés d’autres chercheurs dont ceux de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

« L’extrême pauvreté dans certaines communautés pousse les gens à être plus en contact avec les rongeurs et à en manger ; ce qui pourrait favoriser la propagation de la maladie », conclut la chercheure.
*Cet article a fait l’objet d’une mise à jour le 14 août 2024 à 13H43 GMT pour corriger le titre de Camille Besombes qui est chercheure à L’Institut Pasteur de Paris et non à l’IRD comme nous l’avions mentionné. La rédaction adresse ses excuses à l’intéressée pour cette méprise.

Source: scidev.net

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